Le plein air. Oui, mais un plein air bien géré.
Le Professeur Luc Mounier, Directeur de la chaire partenariale « Bien-être animal » créée en 2018 par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation à VetAgro Sup, est à l’initiative de nombreuses actions en faveur du bien-être animal. A l’heure où l’accès au plein air pour les animaux d’élevage est au cœur du débat public, il nous livre son avis sur le sujet.
Pour Luc Mounier, il convient tout d’abord de rappeler que le bien-être animal est multidimensionnel et repose sur les cinq libertés qui le définissent et l’encadrent. Chacune de ces libertés doit être correctement régie pour produire toute son efficacité. Si l’accès au plein air est naturellement bénéfique car il permet à l’animal de disposer de plus d’espaces et de pouvoir exprimer les comportements propres à son espèce, il doit être accompagné d’un certain nombre de précautions pour contribuer véritablement au bien-être de l’animal. Et ce, quelle que soit l’espèce concernée.
La biosécurité, un élément majeur à prendre en compte
Qu’il s’agisse de pandémies telles l’influenza aviaire, la peste porcine, ou beaucoup plus simplement de contacts avec la faune sauvage ou avec le troupeau voisin, un troupeau en extérieur est exposé à des infections potentielles. Le risque est supérieur à un troupeau en bâtiment et des solutions doivent être mises en place pour assurer la biosécurité.
L’accès à l’extérieur est propice au bien-être de l’animal
Ceci étant dit, et indiscutablement, le plein air est favorable au bien-être des animaux. Il leur permet tout d’abord d’exprimer un comportement varié propre à leur espèce. Il n’y a qu’à regarder un troupeau de bovins en pâturage : ils mangent en marchant alors qu’en bâtiment ils doivent être immobiles. Pour les porcs, nous les verrons retrouver des pratiques de fouissage, et pour les poules, de picorage… Le plein air est aussi la possibilité pour les animaux de bénéficier de plus d’espace, bénéfique notamment pour les animaux dominés. Je suis donc favorable au plein air, plus précisément à l’accès à l’extérieur, car le plein air intégral n’est pas forcément la bonne solution pour tous les animaux.
Bonnes pratiques et précautions
Un accès à l’extérieur doit par contre être bien géré. Dans le cas contraire, il peut même être à l’origine de mal-être. Dans le contexte actuel de changement climatique, le stress thermique est une problématique forte, qui mérite toute notre attention. En bâtiment, les températures peuvent être contrôlées. Les bovins par exemple apprécient de pouvoir rentrer dans le bâtiment lorsqu’il fait trop chaud. S’ils n’ont pas accès au bâtiment, il est indispensable que la pâture dispose de suffisamment d’eau et de points d’ombres. Un seul pauvre arbre ne fera pas l’affaire… Les bovins se regrouperont naturellement tous au même endroit, dans un espace alors détérioré, qui peut être à l’origine ensuite de mammites. Idem pour les volailles : sans point d’eau et arbres pour se protéger de la chaleur et des prédateurs, elles ne sortiront pas ou se cantonneront aux abords du bâtiment. Un espace non entretenu ou trop petit sera également soumis à une pression parasitaire plus importante qu’il faudra bien prendre en compte.
L’Union Européenne a approuvé le 15 décembre dernier le principe d’un étiquetage harmonisé sur le bien-être animal concernant les conditions d’élevage, de transport et d’abattage. Une mesure qui va vraisemblablement inciter les éleveurs à pratiquer plus le plein air, afin de respecter les nouveaux cahiers des charges. Le rôle des vétérinaires dans cette avancée en faveur du bien-être animal est important notamment dans le conseil et l’accompagnement de l’éleveur, afin de le sensibiliser et de l’aider à identifier les conditions à un accès au plein air efficace et source d’amélioration. Car le pire serait bien, par une mauvaise gestion de cette transition, de passer à côté des réels avantages du plein air, et ce, au détriment du bien-être animal.