L’importance de la Recherche dans la lutte contre la COVID-19
Les scientifiques de la santé animale de Boehringer Ingelheim contribuent à l'IMI/ZAPI, un projet européen visant à identifier les contre-mesures et les processus qui pourraient être applicables au COVID-19 et aux maladies émergentes similaires.
En raison de la pandémie de COVID-19, le mot « coronavirus » est aujourd’hui entré dans le vocabulaire courant de millions de personnes à travers le monde. Cette famille d
Selon Jean-Christophe Audonnet, Senior Director de la division R&D Vaccins de Boehringer Ingelheim Santé animale, ainsi que d’autres membres du projet ZAPI (Zoonoses Anticipation and Preparedness Initiative, initiative pour l’anticipation et la préparation aux zoonoses), il était prévisible que de nouveaux types de coronavirus (ou d’autres virus) allaient apparaître.
Cela fait cinq ans que Jean-Christophe Audonnet dirige l’équipe du projet ZAPI, dont le travail s’appuie sur des recherches effectuées sur d’autres types de coronavirus touchant les animaux. Ensemble, ils travaillent au développement d’une plateforme visant à identifier de nouvelles pistes thérapeutiques pour faire face aux virus émergents. La pandémie actuelle de SARS-CoV-2 illustre tristement la nécessité de définir à l’avance des mesures à mettre en place.
Dans cette perspective, ce projet de recherche, qui rassemble 20 acteurs publics et privés, vient de voir attribuer, pour certains des partenaires, un financement supplémentaire pour poursuivre leurs travaux de recherche sur le COVID-19, dans le cadre d’un appel à projets exceptionnel de la Commission européenne en faveur des recherches liées au COVID-19. Le projet ZAPI, créé par l’Initiative pour les médicaments innovants (IMI) développe et connecte des technologies innovantes pour définir les différents composants d’un futur pipeline de recherche efficace. L’objectif est de définir un processus aussi rapide que possible, de l’identification d’un nouveau virus jusqu’à la production de millions de doses de vaccin (ou de traitement par anticorps) grâce à un ensemble de technologies.
Même si la plateforme n’est pas encore disponible, Jean-Christophe et l’équipe du projet ZAPI se sont rendus compte, dès le début de la pandémie actuelle, que certains anticorps qu’ils avaient générés contre un autre coronavirus étaient susceptibles d’être actifs contre le COVID-19. « Ce qui était à la base un projet à long terme est alors devenu une expérience en temps réel », explique-t-il. Nous lui avons posé quelques questions pour en savoir plus.
Jean-Christophe, vous dirigez l’équipe du projet ZAPI depuis cinq ans. Pourquoi ce groupe a-t-il été créé initialement ?
L’objectif initial du projet ZAPI était de coordonner le travail de plus de 20 laboratoires européens œuvrant dans différents domaines. L’idée était de rassembler les compétences (et de définir toutes les étapes) nécessaires à la mise en place d’une riposte efficace, y compris en ce qui concernait la question - souvent la plus délicate en pratique - de la production. La famille des coronavirus inclut plusieurs genres de virus. Nous nous intéressions à ceux qui provoquent des zoonoses (d’où le « Z » dans ZAPI), c’est-à-dire qui se transmettent des animaux (en général des vertébrés) aux êtres humains. C’est notamment le cas des virus SARS-CoV et MERS. Il est désormais établi que le SARS-CoV-2 (coronavirus responsable du COVID-19 et lié aux deux virus précédemment cités) a lui aussi une origine animale.
Devons-nous craindre d’autres épidémies du même type à l’avenir ?
Nous pensons effectivement qu’elles pourraient devenir plus fréquentes. En raison de l’urbanisation, du développement économique et des changements climatiques, les êtres humains sont de plus en plus souvent en contact avec la faune sauvage. Or, nous savons que les animaux sauvages, en particulier les mammifères, sont porteurs de nombreux virus inconnus. Bon nombre de ces virus sont transmissibles à d’autres espèces, entre autres aux êtres humains et au animaux domestiques. Ces 30 dernières années, plus de 20 agents pathogènes ont été transmis de l’animal à l’être humain. C’est le cas du SARS-CoV-2, auquel nous faisons face actuellement.
Il est essentiel de ne pas négliger cette connexion entre les êtres humains et les animaux car, dans cette perspective, le développement de mesures applicables aux animaux peut avoir un effet direct sur la santé humaine. Depuis longtemps, les scientifiques travaillent à contrôler les zoonoses ; je pense notamment à la rage, la tuberculose ou la brucellose (fièvre de Malte). L’objectif de notre projet était initialement de développer des vaccins pour les animaux domestiques. Nous souhaitions à la fois réduire l’impact économique de la contamination du bétail par certains virus, et protéger les êtres humains contre ces maladies.
Il faut également savoir que le développement de vaccins pour animaux peut permettre d’accélérer celui des vaccins humains, dans la mesure où ils se basent souvent sur des technologies similaires sinon identiques. Nous nous sommes ensuite intéressés à la production d’anticorps permettant de soigner les êtres humains. Au début, nous n’avions pas les outils adaptés, mais nous avons rapidement rassemblé de nouvelles idées et technologies. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait, mais nous voulons être mieux préparés à de futures épidémies.
Justement, est-il possible d’être « préparés » ?
Cela fait plusieurs décennies que les scientifiques travaillent à être préparés à certaines pandémies, par exemple face aux différents types de virus influenza qui provoquent la grippe. Nous voulons faire en sorte de pouvoir réagir bien plus rapidement en cas de risque de pandémie. Notre objectif est de mettre en place des outils, plateformes et processus « d’intervention en urgence » qui nous permettront d’être prêts à produire des vaccins et des anticorps monoclonaux en cas d’épidémie. Les anticorps monoclonaux reproduisent les défenses naturelles du corps, ce qui permet de combattre efficacement des souches de virus émergentes ou ré-émergentes telles que les coronavirus.
Donc concrètement, que faut-il faire ?
Dans le cadre de nos recherches, nous utilisons trois prototypes de zoonoses ayant circulé ces dernières années : le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) qui a touché l’Arabie saoudite en 2012 ; le virus Schmallenberg qui a touché les ruminants ; et la Fièvre de la Vallée du Rift, qui touche à la fois les êtres humains et le bétail. La première étape consiste à isoler le virus ou à déchiffrer son code génétique, ce que nous sommes aujourd’hui capables de faire en quelques jours seulement après la découverte du premier cas clinique.
Nous recherchons ensuite un fragment du virus permettant de provoquer une réponse immunitaire et pouvant être utilisé pour créer le vaccin. L’équipe du projet ZAPI essaye actuellement d’accélérer cette étape en combinant plusieurs logiciels, bases de données et technologies de traitement informatique. Ces outils nous permettent d’identifier la plus petite fraction de glycoprotéine d’enveloppe virale capable de générer une forte réponse immunitaire. L’équipe a découvert que cette approche pourrait permettre d’identifier rapidement la meilleure sous-unité virale en vue de l’étape suivante (pour les trois modèles viraux utilisés dans le cadre du projet ZAPI). Il nous a ensuite fallu trouver un « vecteur inerte » capable de présenterer efficacement chaque sous-unité vaccinale au système immunitaire.
Tout cela a l’air complexe...
En réalité, l’explication est assez simple, même si elle implique des technologies scientifiques de pointe. Je vais essayer de reformuler. Nous avons deux objectifs distincts : l’un est de concevoir un vaccin, l’autre de sélectionner ou de générer des anticorps neutralisants. Pour atteindre le premier objectif, et afin de garantir un lien aussi solide que possible entre le fragment qui provoque la réaction immunitaire et son vecteur, nous utilisons une sorte de « superglue » à base de protéines qui permet à n’importe quelle sous-unité virale de se fixer. C’est un peu comme avec des briques de Lego™et donc le rêve de tou biologiste moléculaire qui a aussi été un enfant.
En parallèle, pour atteindre le second objectif, nous voulions aller plus loin et développer des anticorps à réponse rapide pour soigner efficacement les patients. Nous avons découvert que, si l’utilisation de complexes vaccinaux de type « échafaudage » (les fameuses briques de Lego™) permet de générer des anticorps neutralisants de qualité, elle ne permet pas d’obtenir ces anticorps plus rapidement. Aujourd’hui, nous sommes toutefois capables d’accélérer ce processus en prélevant des anticorps directement dans le sang de patients infectés et convalescents. Ces anticorps, fabriqués dans le cadre de la réponse immunitaire naturelle, peuvent ensuite être reproduits en grande quantité grâce à des processus biotechnologiques.
Cela signifie que nous disposons de deux options : si la sélection d’anticorps directement dans le sang des patients infectés ne fonctionne pas, nous pouvons toujours utiliser une stratégie d’immunisation spécifique basée sur les complexes vaccinaux développés dans le cadre du projet ZAPI. En cas d’urgence, l’idéal est d’ailleurs d’utiliser les deux méthodes en parallèle. Cela permet d’augmenter la probabilité d’identifier le ou les bons anticorps.
Est-ce qu’il s’agit d’une grande avancée ?
La pandémie de COVID-19 est exactement le genre de scénario auquel nous voulons être prêts à répondre. Bien sûr, le virus mute et nous serons sans doute confrontés à d’autres souches. Mais grâce à l’un de nos modèles (le coronavirus MERS, qui s’est propagé il y a quelques années), nous avons beaucoup appris sur les meilleures stratégies pour concevoir et fabriquer des vaccins, mais aussi neutraliser des anticorps et les tester. Même si le projet ZAPI se concentre sur les trois virus que j’ai cités tout à l’heure, certains anticorps produits face au MERS pourraient être actifs sur d’autres Betacoronavirus. Il s’agit d’une famille qui inclut le SARS-CoV-2 (le virus responsable de la pandémie actuelle). Nous analysons actuellement cette famille de virus afin de déterminer si nous pourrions les utiliser en cas d’une nouvelle épidémie due à un betacoronavirus. Boehringer Ingelheim Santé humaine intègre actuellement de nouveaux partenariats, dont certains s’appuient sur les travaux du projet ZAPI. Ces partenariats pourraient nous permettre de développer des traitements supplémentaires. Malgré tout, nous devons rester prudents. À ce jour, aucun vaccin ou anticorps basé sur ces nouvelles plateformes n’a encore été évalué chez l’être humain. Dans le contexte actuel de pandémie, il est toutefois probable que les procédures réglementaires seront accélérées pour réaliser ces évaluations si la crise pandémique se prolonge.
Cela prouve encore une fois que la santé humaine et la santé animale sont étroitement liées...
Les animaux et les êtres humains partagent les mêmes territoires sur notre planète, et partagent aussi souvent les mêmes germes, en l’occurrence les mêmes agents zoonotiques. En ceci, notre projet est inédit : il utilise les nouvelles technologies pour combiner santé animale et santé humaine. Il implique à la fois des vétérinaires, des médecins et des scientifiques. Même si nous nous concentrons principalement sur la santé animale, les mêmes technologies (qui ont été validées sur les espèces cibles vétérinaires) pourraient être utilisées pour développer des vaccins humains, dans la mesure où notre plateforme couvre les deux domaines.