Enterisol® Ileitis – Ce que nous avons appris après 20 ans de lutte contre Lawsonia intracellularis


Fernando Leite, DVM, MS, PhD1; Greg Cline, DVM1; John Waddell, DVM1, MBA; Jeremy Kroll, PhD1; Jeff Husa, DVM1; Edgar Diaz, DVM1; Oliver Gomez-Duran, DVM, PhD1 1Boehringer Ingelheim Animal Health USA Inc.
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Introduction 

L’objectif de tout vétérinaire porcin est de résoudre les problèmes de santé à l’aide d’outils efficaces pour favoriser le bien-être et les performances de production des animaux. L’entéropathie proliférative porcine (EPP), ou « iléite », est l’un de ces problèmes de santé. Heureusement, l’industrie porcine dispose depuis 20 ans d’un outil efficace pour l’aider à maîtriser cette maladie. 

L’EPP a été décrite pour la première fois par Biester et Schwarte dans les années 1930 d’après des cas sur le terrain et une reproduction expérimentale de la maladie (Biester et Schwarte, 1930). Les auteurs ont décrit des lésions épithéliales prolifératives dans l’intestin de porcs qui pouvaient être reproduites en nourrissant des porcs susceptibles à ces lésions avec des contenus intestinaux et des raclages de muqueuses. L’étiologie n’a pu être déterminée à l’époque. Cependant, les auteurs ont fait remarquer que les animaux étudiés sur le terrain présentaient une infection à Salmonella qui, selon eux, pourrait contribuer à la maladie. Le groupe de recherche du Dr Gordon Lawson a commencé à étudier cette maladie dans les années 1970 et a fait des découvertes cruciales (Gebhart et Guedes, 2010). Gebhart et ses collaborateurs (1993) ont découvert que la bactérie responsable de l’entéropathie proliférative était une nouvelle espèce, nommée en 1995 « Lawsonia intracellularis ». Cette découverte a été faite après bien des efforts pour obtenir des cultures pures de la bactérie et répondre aux postulats de Koch (Lawson et Gebhart, 2000; McOrist et al., 1995; Gebhart et al., 1993). Six ans plus tard, en 2001, le premier vaccin contre cette maladie, Enterisol® Ileitis, a été lancé aux États-Unis. 

L’utilisation d’Enterisol® Ileitis pour maîtriser l’EPP 

Enterisol® Ileitis est un vaccin vivant atténué administré par voie orale qui contient une souche non virulente de L. intracellularis pour imiter l’infection naturelle et induire une immunité muqueuse en une seule dose. L’efficacité d’Enterisol® Ileitis contre l’EPP a été démontrée pour la première fois par Kroll et ses collaborateurs à la 31e réunion annuelle de l’American Association of Swine Veterinarians (AASV), en 2001. L’étude a montré que l’administration du vaccin dans l’eau de boisson des porcs conférait une immunité et réduisait significativement la colonisation de L. intracellularis ainsi que les lésions macroscopiques et microscopiques (Kroll et al., 2001). Ces résultats ont été reproduits et examinés par des pairs en 2004, lorsque Kroll et ses collaborateurs (2004a) ont prouvé que le vaccin pouvait être administré à la fois par gavage et par l’eau de boisson des porcs pour conférer une protection significative contre l’EPP.

Des études sur le terrain ont suivi. À la 33e réunion annuelle de l’AASV, Kolb J. et Sick F. (2003) ont présenté un résumé de cinq essais sur le terrain visant à évaluer l’efficacité d’Enterisol® Ileitis aux États-Unis. Cette évaluation portait sur un total de 55 groupes de croissance-finition comprenant plus de 46 900 porcs vaccinés. Kolb a constaté une amélioration significative du gain moyen quotidien (GMQ) dans les cinq essais (p < 0,05) et une amélioration des taux de mortalité et de réforme dans les troupeaux qui présentaient des signes cliniques d’EPP. McOrist et Smits (2007) ont mené une étude d’efficacité clinique sur le terrain à répartition aléatoire, sous insu et avec témoin négatif pour évaluer l’effet d’Enterisol® Ileitis dans trois troupeaux en Australie. Les auteurs ont constaté que la vaccination améliorait le GMQ et ont conclu qu’elle était efficace dans les conditions de manifestations cliniques et subcliniques de l’EPP. Depuis, plusieurs études ont permis d’évaluer Enterisol® Ileitis dans différentes conditions sur le terrain et dans divers pays, dont le Mexique, l’Allemagne, les Philippines, le Japon, les Pays-Bas, la Finlande, le Danemark et la Corée du Sud. Toutes ces études ont démontré une amélioration des paramètres de performance associée à l’utilisation d’Enterisol® Ileitis (Diaz et Chevez, 2006; Viekilde et al., 2006; Bulay et al., 2006; Yamaguchi et al., 2006; Voets et Hardge, 2006; Klien et al., 2010; Park et al., 2013; Schuttert et Seenaert, 2014; Peiponen et al., 2018; Ochoa et al., 2020). 

Il faut aussi noter qu’Enterisol® Ileitis s’est révélé être un outil important non seulement dans les troupeaux de croissance-finition, mais aussi pour protéger les cochettes et les truies contre l’EPP et la forme hémorragique de l’EPP, l’entérite hémorragique du porc (EHP). Peu après le lancement du vaccin, Waddell et ses collaborateurs (2003) ont décrit un protocole de vaccination dans une ferme d’élevage de 1 250 truies nouvellement construite (multiplicateur de cochettes) et son site de sevrage-finition de cochettes en aval, dans lequel l’immunisation contre L. intracellularis a été privilégiée à l’administration habituelle d’un antibiotique dans l’alimentation ou l’eau pour prévenir et maîtriser l’EPP. Ils n’ont observé aucune forme d’EPP aux deux sites malgré l’absence totale d’utilisation d’antibiotiques dans l’alimentation ou l’eau comme méthode d’immunisation des animaux. Ils ont aussi remarqué que les cochettes non vaccinées provenant de cette source de cochettes qui ont été envoyées dans au moins trois troupeaux non vaccinés différents au cours de la même période de logement ont présenté des éclosions d’EHP. Candor et ses collaborateurs (2008) ont obtenu des résultats semblables. En effet, ils ont remarqué que, lorsqu’une dose d’Enterisol® Ileitis était administrée aux cochettes avant leur sélection et leur expédition, aucun décès ni signe clinique d’EHP n’était observé. Sanford (2006) a évalué des cas cliniques d’EPP chez les cochettes après la vaccination. Selon ses observations sur le terrain, Enterisol® Ileitis permettrait d’immuniser les cochettes pendant au moins 2 ans et probablement plus de 3 ans et demi. Une réduction des cas d’EHP a aussi été observée chez les porcs de croissance-finition après la vaccination (Seo et al., 2016). 

Ces études et résultats démontrent qu’une dose d’Enterisol® Ileitis, administrée par gavage avant le sevrage ou dans l’eau à un âge plus avancé, favorise les performances de production et maîtrise efficacement la maladie dans diverses conditions de terrain. De plus, l’interférence de l’immunité maternelle ne pose pas un problème lorsque le vaccin est utilisé correctement (Kroll et al., 2004b). 

La vaccination comme outil pour réduire l’utilisation des antimicrobiens 

Plusieurs études sur la vaccination par Enterisol® Ileitis ont démontré une réduction bénéfique de l’utilisation des antimicrobiens dans la ferme. Voets et Hardge (2007) ont évalué cet effet spécifique sur trois systèmes différents. Ils ont constaté qu’il était possible d’éliminer une quantité substantielle d’antimicrobiens grâce à la vaccination et de maintenir, voire d’améliorer, les performances. Nerem (2009) a étudié les différences de performance entre un groupe en finition recevant un apport continu de tylosine dans leur alimentation et un groupe recevant une dose d’Enterisol® Ileitis avant son arrivée au parc de finition. Selon cette étude, il est possible de passer de l’utilisation systématique d’antimicrobiens au parc de finition à la prévention de l’EP par la vaccination sans nuire aux performances. Qui plus est, la vaccination s’est révélée être la stratégie la plus économique.

En ce qui concerne les additifs alimentaires, il est intéressant de noter que certains additifs alimentaires étaient en symbiose avec Enterisol® Ileitis et le complétaient harmonieusement. Bourgot et ses collaborateurs (2017) ont étudié l’administration de fructo-oligosaccharides (FOS) à chaîne courte, comme prébiotiques, dans l’alimentation de truies pendant le dernier tiers de la gestation et tout au long de la lactation. Ils ont constaté qu’un supplément maternel en FOS à chaîne courte a entraîné une augmentation des taux d’IgA spécifiques à L. intracellularis chez les porcelets ayant reçu Enterisol® Ileitis. Muller et ses collaborateurs (2018) ont étudié un supplément en complexe d’acides aminés de zinc chez des porcs recevant Enterisol® Ileitis et subissant ensuite un test de provocation à L. intracellularis. Ils ont constaté que, comparativement à la vaccination seule, l’utilisation d’Enterisol® Ileitis en association avec un complexe d’acides aminés de zinc entraînait une réduction de la mortalité plus importante que la vaccination seule. Les effets du zinc sur le système immunitaire sont connus depuis un certain temps, et le zinc s’est révélé favoriser la réponse des porcs au test de provocation à L. intracellularis (Leite et al., 2018).

Bien qu’un intervalle sans médicament de trois jours avant et trois jours après la vaccination par Enterisol® Ileitis soit nécessaire, les antimicrobiens n’influent pas tous sur le vaccin. En effet, Husa et ses collaborateurs (2010) ont montré que l’administration de ceftiofur ou de tulathromycine n’avait aucune incidence sur l’efficacité du vaccin. De plus, des études antérieures ont montré que des taux élevés d’oxyde de zinc et des conditions acides n’altéraient en rien les effets d’Enterisol® Ileitis (McOrist et Smits, 2007).

Le coût de l’EPP et le rendement du capital investi de la vaccination

La réduction de l’utilisation des antimicrobiens contribue aussi au rendement du capital investi d’Enterisol® Ileitis. Voets et Hardge (2007) ont signalé une réduction de 53 % de l’utilisation d’antibiotiques et un avantage économique supérieur de 8,60 $ par porc dans un système où Enterisol® Ileitis a commencé à être utilisé. Le coût lié à l’EPP, récemment mis à jour par le Dr Holtkamp, se situe entre 5,98 et 17,34 $ par porc commercialisé (Holtkamp, 2019). Selon Holtkamp, la principale source de pertes économiques associées à l’iléite provient des pertes de productivité causées par la maladie. La maladie peut aussi entraîner une augmentation du pourcentage de porcs réformés et, dans certains cas, causer le décès. Kolb J. et Sick F. (2003) ont établi un rapport avantages-coûts supérieur à 7:1 dans un résumé de cinq essais sur le terrain, comparativement au maintien d’un programme médicamenteux classique sous forme d’alimentation continue contre l’iléite. Des essais plus récents ont révélé une augmentation des revenus de 4,80 $, 4,10 $ et 5,93 $ par porc commercialisé en fonction des performances de production avec la mise en œuvre de la vaccination par Enterisol® Ileitis (Ochoa et al., 2020; Peiponen et al., 2018; Park et al., 2013). 

L’immunité contre l’infection à L. intracellularis et la vaccination

Dernièrement, il a été montré que L. intracellularis peut se répliquer à l’intérieur des macrophages (Pereira et al., 2020). Les macrophages sont d’importantes cellules présentatrices d’antigènes qui peuvent être présents à de nombreux endroits du corps, y compris l’intestin (Tizard, 2020). Il a aussi été montré dernièrement que L. intracellularis, si elle a le temps de se répliquer, peut induire dans les trois jours l’expression de cytokines inflammatoires telles que le TNF et l’IL-8 par activation du système immunitaire inné (Leite et al., 2019). La réplication, non seulement dans les entérocytes, mais aussi dans les macrophages, et la capacité à induire des cytokines inflammatoires contribuent probablement beaucoup à induire une réponse immunitaire robuste. C’est particulièrement vrai de l’induction d’une réponse immunitaire cellulaire et de l’activation des lymphocytes T cytotoxiques CD8. Ces derniers reconnaissent les antigènes intracellulaires et pourraient être les principaux moteurs de la protection contre l’EPP (Cordes et al., 2012; Tizard, 2020).

\Des études ont aussi permis d’évaluer la réponse immunitaire humorale à L. intracellularis et à la vaccination. Enterisol® Ileitis n’entraîne généralement pas de séroconversion chez les animaux, contrairement aux vaccins bactériens inactivés commerciaux (Kroll et al., 2004a; Roerink et al., 2018). Aucune corrélation n’a été établie entre les taux d’anticorps sériques et la protection contre l’EPP (Kroll et al., 2004a; Roerink et al., 2018). Il est intéressant de noter que la vaccination orale par Enterisol® Ileitis entraîne non seulement la production d’IgA spécifiques à L. intracellularis dans l’iléon des animaux, mais aussi la présence d’IgG spécifiques à L. intracellularis dans la muqueuse intestinale. Une autre observation intéressante est que l’administration orale comme l’administration intramusculaire d’Enterisol® Ileitis peut entraîner la production d’IgG spécifiques à L. intracellularis dans l’intestin (Nogueira et al., 2015). 

Et dans l’avenir

Les progrès de la médecine vétérinaire s’accompagnent d’une meilleure compréhension des facteurs qui influent sur l’état de santé, les maladies et les performances de production. Dernièrement, le microbiome intestinal, c’est-à-dire la communauté de microorganismes présents dans l’intestin, a fait l’objet d’études, car une forte association a été établie entre la composition du microbiome intestinal d’une part et l’état de santé global et les performances de production d’autre part (Kim et Isaacson, 2012; Neiderwerder, 2017). Nous avons constaté que L. intracellularis peut non seulement entraîner des lésions, une diarrhée et une baisse des performances, mais aussi altérer grandement le microbiome intestinal (Bocherwitz et al., 2015 ; Leite et al., 2020a). Par ailleurs, nous avons aussi constaté qu’ Enterisol® Ileitis, en plus d’avoir les effets mentionnés ci-dessus sur la réduction des lésions et des signes cliniques, l’amélioration des performances et l’induction d’une réponse immunitaire, altère également la composition du microbiome intestinal. L’une des conséquences immédiates de cette altération de la composition du microbiome intestinal est la réduction de l’excrétion de Salmonella par les animaux coinfectés (Leite et al., 2018; Visscher et al., 2018). Ce résultat est important, car il pourrait avoir des conséquences sur la transmission de Salmonella et la promotion de la sécurité alimentaire. Une altération de la composition du microbiome induite par Enterisol® Ileitis a aussi été associée à une réduction significative de l’excrétion de L. intracellularis par les animaux vaccinés (Leite et al., 2020b). Ces résultats semblent indiquer qu’Enterisol® Ileitis prévient non seulement les lésions et les mesures habituelles de la maladie, mais aussi les répercussions négatives que l’infection à L. intracellularis peut avoir sur le microbiome intestinal, qui sont susceptibles d’entraîner une sensibilité accrue à d’autres agents pathogènes et une diminution des capacités intestinales. Nous pourrons mieux déterminer les autres répercussions que cela pourrait avoir lorsque nous comprendrons mieux en quoi la santé intestinale et le microbiome intestinal influent sur l’état de santé global.

Les études susmentionnées ont établi la norme en matière de protocoles de vaccination contre l’EPP. Toutefois, des études plus poussées doivent être faites, et des questions restent encore sans réponse. Il est intéressant de noter qu’une éradication de l’EPP, bien que temporaire, a été obtenue en visant une population négative de truies et de cochettes (Pia, 2000). Selon une étude récente de Patton et ses collaborateurs (2021), les truies en période péri-parturiente excrètent L. intracellularis, et l’agent pathogène peut être détecté dans l’enclos de mise bas. Cela soulève de nombreuses questions quant à la source d’infection à L. intracellularis que représentent les mères aux stades ultérieurs de la production et, par conséquent, à la pertinence de modifier les protocoles de vaccination actuels. Il faut aussi envisager, comme hypothèse à l’apparition d’une EHP plutôt qu’une EPP chronique et non hémorragique, l’exposition à L. intracellularis d’animaux plus âgés n’ayant jamais été infectés par cette bactérie auparavant. L’immunisation des animaux pourrait faciliter les tentatives d’éradication et ainsi prévenir cette forme coûteuse de la maladie (Collins, 2013).

Conclusion

Peu de vaccins porcins ont la longue expérience, le profil d’efficacité et les données à l’appui d’Enterisol® Ileitis. L’avenir est prometteur, car nous comprenons mieux tous les avantages d’Enterisol® Ileitis et les façons d’utiliser cet outil important pour promouvoir la bonne santé et les performances de production des porcs.

Enterisol® Ileitis et Ingelvac 3FLEX® sont des marques déposées de Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, utilisées sous licence. Toutes les autres marques sont la propriété des entreprises respectives.
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