« En cas de crise, maîtriser les outils numériques donne une longueur d’avance »

Grégory Santaner dirige depuis 2005 VetoNetwork, agence de conseil et de formation numérique pour la santé animale. Il est également associé gestionnaire de deux cliniques vétérinaires près de Lorient : Anicoon Vétérinaires. Son appétence pour les outils digitaux lui permet d’apporter un regard avisé sur les atouts d’une bonne utilisation de ce canal de communication, notamment en période de crise.

Grégory Santaner
Fondateur et gérant de VetoNetwork
contact@vetonetwork.com

Les conséquences de la COVID-19 ont-elles modifié l’intérêt porté aux solutions digitales ?

Toute crise exacerbe les fonctionnements ou dysfonctionnements. Celle de la COVID-19 a augmenté le clivage entre ceux qui utilisaient déjà des solutions digitales et les autres. Les cliniques très au point n’ont eu qu’à activer leurs outils en place. Pour les praticiens qui étaient en cours de transformation, la crise les a aidés à passer un cap. Quant aux plus réfractaires, je ne suis pas sûr qu’ils aient modifié leur fonctionnement. Ils sont encore relativement nombreux. La progression est lente, tant sur la mise en place de sites internet que sur une appréhension globale et structurée des médias sociaux. Parfois, une compétition forte peut motiver un investissement supplémentaire. Par exemple, les cliniques canines du Sud de la France, très challengées par un maillage fort, sont mieux équipées.

Comment avez-vous réagi personnellement ?

Du jour au lendemain, nous avons dû appliquer des normes très strictes, pas toujours très claires, et surtout très évolutives en fonction du contexte sanitaire et des consignes de nos instances (ordinales, syndicats…). Difficile pour les équipes, et surtout pour nos clients, de s’y retrouver. Nos deux cliniques disposent d’une structure digitale déjà bien établie, ce qui nous a permis d’être très réactifs. Nous avons immédiatement communiqué auprès de nos clients, en leur indiquant que la clinique était ouverte et que nous étions là pour eux dans le respect des consignes, bien équipés de masques et visières fabriquées en 3D par une entreprise locale ! En parallèle, nous avons exploité notre site web pour apporter des informations contrôlées, régulièrement actualisées, ce qui nous a permis de garder le lien avec nos clients, tout en concentrant l’activité à la clinique sur l’accueil des propriétaires lorsque c’était nécessaire. Le trafic sur notre site a été multiplié par 4. Bien évidemment, les ASV restaient également disponibles au téléphone pour accompagner et rassurer. En mars, même si le projet était à l’étude, nous ne disposions pas d’e-boutique. Cela nous a manqué, pour limiter le passage en clinique, les temps de contact et favoriser le drive, notamment pour les aliments. C’est désormais chose faite : nous avons accéléré le lancement de cette plateforme qui fonctionne aujourd’hui.

Le télétravail est-il possible pour les vétérinaires ?

Pendant le confinement, l’activité a été diminuée de moitié environ chez nous, mais les rendez-vous étaient plus longs, d’une part pour appliquer les mesures sanitaires, d’autre part du fait de la gravité des cas que nous avions à soigner, les cas les plus bénins étant reportés. Ainsi, même si nous avons été relativement épargnés par la première vague dans le Morbihan, nous avons dû réduire la présence en clinique, afin de protéger les personnes à risque et permettre la gestion des enfants lors de la fermeture des écoles. Là aussi, le digital nous a permis d’être très réactifs puisque nous étions déjà prêts : groupe WhatsApp pour les associés, visio-conférence toutes les semaines pour ajuster les protocoles, rassurer, donner un bulletin épidémiologique… Tout s’est mis en place très rapidement et nous a permis de déployer le télétravail sans rupture pour une partie des équipes sur la base du volontariat. Deux ASV ont accepté d’expérimenter des temps de télétravail. Nos logiciels disponibles en cloud nous permettent d’accéder à nos données en permanence où que nous soyons. Tous les collaborateurs disposent d’une « identité numérique professionnelle » (adresse e-mail, possibilité d’accès aux outils collaboratifs…). Nos collaborateurs en télétravail ont ainsi pu intervenir sur les dossiers et prendre en charge des missions support (report des rappels de vaccination, classement de résultats d’analyses…) afin de décharger leurs collègues présents sur site. Depuis le déconfinement en juin, forts de cette bonne expérience, nous avons maintenu un télétravail partiel, bien utile lors du reconfinement.

Quel conseil donneriez-vous à vos confrères ?

La notion d’identité numérique individuelle est la base. Elle permet d’être prêt en cas de crise, de responsabiliser et de valoriser les collaborateurs qui se sentent mieux informés, plus investis et plus aptes à faire preuve d’engagement et d’agilité en période difficile. Bon nombre de cliniques ne disposent pas encore de site internet performant, communiquent peu ou pas sur les réseaux sociaux. Une crise, telle que celle que nous vivons en ce moment, ne peut que nous engager à mettre en place les outils nécessaires à un bon fonctionnement par « tous les temps ».