Réchauffement climatique et avenir des maladies infectieuses équines

Article rédigé d’après une conférence du Dr Debra Archer, cheffe du service de chirurgie équine à l’université de Liverpool au Royaume Uni, au congrès de l’ECEIM (European Collège of Equine Internal Medicine) les 28 et 29 octobre 2022 à Rome.
Appréhender et comprendre les mécanismes entre les changements climatiques, la propagation des insectes vecteurs de maladies virales et l’émergence des maladies infectieuses a été tout l’enjeu de cette conférence.

Plusieurs paramètres influent sur la dynamique des maladies infectieuses. Par exemple les évolutions démographiques, les changements technologiques comme les transports par voie aérienne, ou encore les soins de santé comme la vaccination. Mais quel est l’impact des changements climatiques sur l’émergence et la propagation de ces maladies ? Un premier élément de réponse est que les insectes vecteurs ou les animaux porteurs de maladies virales comme les chauves-souris doivent être surveillés attentivement ! 

Les changements climatiques ont un impact direct sur les populations humaines et jouent également un rôle important dans les maladies infectieuses. Le réchauffement climatique a pour conséquence l’émergence de nouveaux pathogènes, leur évolution et leur propagation dans les populations humaines et animales. L’impact est particulièrement notable sur les insectes vecteurs de maladies, ce qui entraîne des conséquences majeures pour la santé et le bien-être animal. 
On peut citer par exemple les virus Hendra et Schmallenberg (responsables de malformations congénitales fœtales chez les ruminants) qui ont déjà démontré ce risque : en 2011, la maladie due au virus de Schmallenberg s’est développée de façon inattendue et s’est rapidement répandue en Europe grâce à des moucherons Culicoïdes spp. qui se sont propagés dans des régions jusque-là indemnes. L’infection au virus Hendra qui provoque une pneumonie souvent mortelle chez les équidés est à l’origine d’une zoonose émergente et grave. Les chauves-souris constituent le réservoir naturel du virus : les changements climatiques en Australie ont poussé les chauves-souris à se déplacer exposant ainsi au virus des chevaux et des Hommes. Le premier foyer a été enregistré en 1994 dans la région de Brisbane. Depuis lors, cette maladie virale réapparait régulièrement en Australie chez le cheval comme chez l’Homme. *Plus récemment (novembre 2022) des cas de fièvre du Nil (West Nile virus) ont été recensés en gironde, région jusque-là épargnée par cette arbovirose. (*note de l’auteur

Le risque de maladies arbovirales pour les populations de chevaux

Parmi les plus grands risques à venir de maladies infectieuses équines associées au changement climatique se trouvent les virus transmis par les arthropodes (arbovirus). Les arthropodes vecteurs sont les moustiques, les moucherons piqueurs, les phlébotomes et les tiques. Les principaux arbovirus équins sont les alpha virus, les flavivirus (virus du West Nile par exemple) ou les orbivirus (virus de la peste équine ou virus de l’encéphalose équine) qui ont différents vecteurs arthropodes.  Les maladies induites peuvent être très protéiformes et non spécifiques ce qui complique le diagnostic et la détection d’un virus émergeant. Cela démontre également l’importance de l’épidémiosurveillance, de la notification des maladies et de la surveillance des vecteurs et des espèces réservoirs de ces agents pathogènes.
Contrairement aux virus qui se transmettent mécaniquement et sans réplication (comme le virus de l’anémie infectieuse), les arbovirus se répliquent dans le corps des insectes. De ce fait, les conditions environnementales (chaleur, lieux de reproduction) affectent la survie du vecteur, sa distribution et sa capacité à se répliquer. De nombreuses études ont montré que l’élévation continue des températures dans différentes régions du globe, y compris en Europe, change la répartition des vecteurs et accroît le risque d’épizooties liées à des arbovirus dans des régions jusque-là indemnes. Pour certaines maladies comme l’encéphalite à West Nile, des vaccins autorisés (sous licence) efficaces et sûrs sont disponibles, pour d’autres maladies (peste équine), seuls des vaccins vivants atténués existent mais sont sous-optimaux et doivent être améliorés. Par ailleurs il existe toujours des freins à la vaccination par les propriétaires de chevaux, comme cela a été démontré lors de l’épisode d’Hendra virose en Australie. La lutte contre les insectes vecteurs doit par conséquent aussi être mise en place : élimination des zones d’eau stagnante, utilisation de répulsifs insectifuges, protection des maisons notamment lors de risque accru d’épidémie. 

Le contrôle des parasites gastro-intestinaux et les résistances aux anthelminthiques

Par ailleurs, les simulations informatiques démontrent que les changements climatiques risquent d’accélérer le développement des résistances des nématodes et potentiellement des cestodes aux anthelminthiques. A long terme, cela deviendra problématique de contrôler le parasitisme des chevaux et des ruminants uniquement par une utilisation des vermifuges : cela met l’accent sur la nécessité d’adapter ou de faire évoluer les stratégies pour contrôler durablement les parasites. 

Le rôle de la profession vétérinaire

La communauté internationale des intervenants du monde équin doit être consciente du risque croissant d’émergence d’une variété de maladies infectieuses liées au changement climatique en particulier les arboviroses. Il est également clé de considérer des stratégies complémentaires ou alternatives à l’utilisation des anthelminthiques. 
Les vétérinaires jouent un rôle fondamental dans l’éducation des propriétaires de chevaux. Ils doivent prendre en compte leurs freins et motivations pour les impliquer dans le contrôle des maladies infectieuses équines, les sensibiliser aux maladies émergentes, à une utilisation raisonnée des anthelminthiques, à l’importance de la prévention. Les vétérinaires doivent jouer le rôle de sentinelles et être capables d’alerter en cas de nouvelle maladie dans une région jusque-là indemne. Le développement de vaccins reste la clef pour prévenir des maladies déjà présentes comme la peste équine,  ou émergentes. Les vétérinaires doivent également être conscients du risque zoonotique pour eux-mêmes ou les propriétaires de chevaux et travailler aux côtés des entomologistes et des professionnels de santé :  le concept One Health prend toute sa dimension !

Sophie Paul-Jeanjean

 

1Global warming and the future of equine infectious disease – D. Archer Global warming and the future of equine infectious disease Debra Archer BVMS PhD CertES DipECVS FRCVS FHEA Institute of Infection, Veterinary and Ecological Sciences, University of Liverpool, UK

FR-EQU-0021-2023 Boehringer Ingelheim Animal Health France SCS 02/2023