Covid-19 : Les vétérinaires en parlent
« Nous n’allons pas revenir au monde d’avant »
Spécialisé sur les espèces porcs et volailles, le Groupe Vétérinaire Chêne Vert Conseil, regroupe 60 vétérinaires dans le nord-ouest de la France (Bretagne / Pays de Loire). Ses 15 sites proposent, sous une marque unique, une offre de service homogène à l’ensemble de ses clients. Son Président, Julien Flori, revient sur les transformations induites par cette crise sanitaire sans précédent.
Notre activité intègre en permanence la notion de crise ; nous y sommes presque habitués. Crise aviaire, crise porcine… Nos clients ont souvent dû faire face à de très fortes restructurations, voire à des dépôts de bilan. Ainsi, comme toutes les autres, la crise de la Covid-19 est un gros facteur de risque pour certaines activités. Mais elle peut aussi offrir des opportunités.
Les filières ont bien résisté
Nous avons été très attentifs, bien sûr, mais globalement, les filières ont bien résisté. Nous avons senti assez rapidement que l’impact serait modéré. Nous avons continué à nourrir nos animaux, à les soigner, à les abattre, afin de nourrir les populations. Les filières porcines ou aviaires n’ont pas été trop affectées, car elles font partie de l’alimentation quotidienne. La filière canard, plus liée au sort des restaurants, a davantage souffert.
Un accélérateur de mutation
Une crise, quelle qu’elle soit, accélère les mutations. Sur le plan économique, elle entraîne souvent des transformations, des fusions. En cas de crise forte, les décisions doivent être prises rapidement et avec agilité. Celui qui saura saisir les opportunités engendrées par la crise sera forcément le plus adaptable dans un monde en mutation. Bien souvent, les faibles deviennent plus faibles, et les forts… plus forts. Notre marché est déjà extrêmement centralisé, donc finalement déjà organisé pour faire face à de telles secousses.
S’approprier le travail à distance
Nos relations clients ont évolué. La visio-conférence a bien souvent remplacé les déplacements sur site. Les outils pour cela fonctionnent désormais très bien et les barrières psychologiques sont tombées. Cette nouvelle façon de communiquer est entrée dans notre fonctionnement quotidien. Comme tous, nous nous interrogeons beaucoup sur le télétravail, amené à se développer. Il faut savoir toutefois garder le lien et adopter de nouveaux fonctionnements avec les collaborateurs en télétravail.
Nous sommes également plus ouverts au suivi à distance, au développement de la télémédecine, notamment pour réaliser des télédiagnostics. La mise en place de « chat » avec nos clients éleveurs permet déjà l’envoi de photos ou vidéos et l’apport d’un premier conseil. Reste à formaliser notre offre et à développer un modèle économique autour de cette nouvelle approche, complémentaire au modèle actuel basé essentiellement sur le présentiel.
Des changements définitifs
Nous n’allons pas revenir au monde d’avant. Les crises accélèrent les grandes évolutions sociétales : le bien-être animal, par exemple, est un sujet qui va prendre plus d’importance. Et les vétérinaires doivent très rapidement s’en saisir. Aujourd’hui, nous ne sommes pas suffisamment audibles. Nous sommes les interlocuteurs privilégiés des propriétaires d’animaux et notre mission est véritablement d’apporter notre conseil, sans tomber dans le piège de l’anthropomorphisme. Tous les aspects et contraintes des
filières d’élevage doivent être pris en compte pour travailler sur un modèle économique intégrant le bien-être animal : la mécanisation, les abattoirs, l’antibiorésistance, le transport d’animaux sans surcoût…
Même si notre secteur a été relativement épargné, cette crise va profondément modeler notre façon de travailler, notre relation client, et la perception de notre profession. Certaines barrières entre médecine humaine et médecine vétérinaire sont tombées. Notre position de généraliste, au carrefour de la santé animale, de la biodiversité et de l’environnement, nous place au cœur de l’approche « One Health » particulièrement signifiante actuellement.